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Harawi de Messiaen

par Marie Elizabeth Seager et Toms Ostrovskis

"Marie Elizabeth Seager est une artiste de classe mondiale [..] Toms Ostrovskis était au sommet de son art. Tout était parfaitement exécuté, et ce dans un remarquable ensemble avec la chanteuse. (...) Il est rare que l'on ressente en concert l'envie que la musique ne s'arrête pas et que cela continue encore et encore."  

             Boriss Avramecs, Radio Classique de Lettonie

"C'était d'une maîtrise absolue, et ce répertoire par ces artistes mérite d'être enregistré pour la postérité".  

             Lauma Mellena, Radio Classique de Lettonie

La mezzo-soprano française Marie Elizabeth Seager et le pianiste Letton Toms Ostrovskis ont entamé une collaboration musicale lors de leurs études à la prestigieuse Guildhall School of Music and Drama de Londres. En 2018, ils se sont attelés au très exigeant cycle de mélodies d’Olivier Messiaen, HARAWI, chant d'amour et de mort.

Soutenus par le Fond Culturel de la Capitale (Riga), l'Académie Lettone de Music Jazeps Vitols, la radio classique lettone et l'Institut Français de Lettonie, le duo a pu réaliser son premier récital d'Harawi à la très moderne Bibliothèque Nationale de Lettonie, à Riga en novembre 2018. 

La salle de concert était comble. La presse fut élogieuse.

Olivier Messiaen - HARAWI, chant d'amour et de mort

Harawi est un cycle de 12 pièces (55min) pour voix de soprano  et piano composé en 1945 par Olivier Messiaen.

Messiaen emprunta le titre d’Harawi à un genre musical issu du folklore péruvien. Le cycle conte une histoire d’amour entre deux jeunes gens de l’ancien peuple Quechua, une histoire si forte et émotionnellement insoutenable, que les amants en viennent à désirer la mort, au delà de laquelle leur amour atteindra sa plénitude.

 

Le texte d’Harawi est de Messiaen lui-même, et s’inspire de la poésie surréaliste qu’il aimait (Breton, Éluard, Reverdy…) ainsi que de l’oeuvre picturale de l’artiste surréaliste anglais Sir Roland Penrose, Seeing is believing (Voir c’est croire). L'oeuvre est imprégnée de symboles de la culture péruvienne et des paysages de montagnes du Dauphiné (pays natal de Messiaen). Harawi nous mène au-delà des structures du langage, dans un univers d'images, d'émotions, où l'esprit est libre d'errer ou de disparaitre comme bon lui semble.

 

Ce qu'en pensent les artistes...

Marie Elizabeth Seager commente: “Harawi présente un monde de contrastes cinglants - l’harmonie et le chaos y cohabitent, des couleurs brillantes tranchent sur du noir absolu; l’amour le plus fort s’épanouit et trouve son expression éternelle dans la mort. Dans l’espace créé par ces contrastes, les musiciens et le public sont libres d’interpréter les intentions de Messiaen. Je trouve qu’Harawi nous incite à fermer les yeux et à ressentir la musique de manière physique, inconsciente, et à laisser l’imagination s’envoler. Cette musique nous mène parfois en transe, un peu à la manière d’un chant Grégorien qui émane des profondeurs d’un couvent ancien: immergé dans l’évocation sonore des oiseaux ou des étoiles par le piano, et guidé par les inflexions variées de la voix, celui qui écoute en vient à trouver sa propre définition de l’amour.”

Et Toms Ostrovskis d’ajouter: “Ce cycle est un vrai défi pour les interprètes. Le risque d’aliéner l’auditeur est grand en raison de la complexité des textures de la musique de Messiaen, des symboles abstraits et des contrastes violents. Est-il possible de transmettre par le son toute la majesté du chaos cosmique, la noirceur d’un abysse, un rayon d’éternité ou une poignée de cendres? Je crois qu’il est nécessaire en tant qu’interprète de proposer une lecture personnelle des symboles de Messiaen, de les habiter dans un sens spirituel et émotionnel. Après tout, la “Colombe verte” et la “poignée de centres” sont des abstractions - telles des parenthèses, elles contiennent les sentiments et l’expérience du compositeur. Si nous les faisons nôtres, ces abstractions prennent vie et peuvent s’adresser au public de manière personnelle et unique.”

Liens

Quelques extraits du concert de Riga
le 6 novembre 2018 ​à la Bibliothèque Nationale de Lettonie

5. L'Amour de Piroutcha

 

Cette mélodie est un dialogue entre les deux amants. La jeune Piroutcha, ou "colombe verte", demande à son amoureux de la bercer dans ses bras alors qu'elle est réduite en cendre, consumée par l'amour. "Toungou" représente le roucoulement de la colombe, un appel. Le jeune garçon, lui, désire la mort ("coupe-moi la tête") pour être enfin libéré des chaînes d'un amour insoutenable.

"Toungou, ahi, toungou, toungou, berce,

toi, ma cendre des lumières,

berce ta petite en tes bras verts.

Piroutcha, ta petite cendre, pour toi."

"Ton oeil tous les ciel, doundoutchil.

Coupe-moi la tête, doudoutchil.

Nos souffles, bleu et or, ahi!

Chaînes rouges, noires, mauves, amour, la mort!"

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L'Étreinte, 2018, par Quentin Guichard

7. Adieu toi

Cet "Adieu" n'est probablement qu'un "au revoir", comme ce fut le cas pour Tristan toutes les fois qu'il quitta son Isolde, pour mieux la retrouver peu de temps après.

Mais ici, les amants ont déjà senti que la mort était inéluctable. La tristesse les envahit car ils savent qu'un véritable Adieu s'annonce prochainnement. Les images surréalistes expriment l'impossibilité de l'amour: "désert qui pleure, Miroir sans souffle d'amour". 

Adieu toi, colombe verte;

Ange attristé

Adieu toi, perle limpide,

Soleil gardien.

Toi, de nuit, de fruit, de ciel, de jour,

Aile d'amour.

Adieu toi, lumière neuve,

Philtre à  deux voix.

Etoile enchainée,

Ombre partagée,

Dans ma main, de fruit, de ciel, de jour, lointain d'amour.

Adieu toi, mon ciel de terre,

Adieu toi, désert qui pleure,

Miroir sans souffle d'amour.

De fleur, de nuit, de fruit, de ciel, de jour,

Lointain d'amour.

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Esprit hurleur - Élémentaires, 2017, par Quentin Guichard

8. Syllabes

Les amants se sont retrouvés, mais leur mort est imminente, et Messiaen utilise un rite funéraire pratiqué dans la culture des Quechuas, comme pour en avertir ses protagonistes: les "pia pia" étaient répétés à l'infini et tour à tour par une centaines de personnes se tenant la main autour d'un arbre majestueux. Serait-ce pour repousser ou au contraire, accueillir la mort? 

La "violette double", avec ses pétales doublés, symbolise la fusion du couple. Mais l'amour "doublera", et n'atteindra sa plus haute expression que dans la mort. Celle-ci hante les amants qui partagent ce secret murmuré au fond de leur âme, "très loin, tout bas". 

Colombe verte,

Le chiffre cinq à  toi,

La violette double doublera,

Très loin, tout bas.

O mon ciel tu fleuris,

Piroutcha mia!

O déplions du ciel,

Piroutcha mia!

O fleurissons de l'eau,

Piroutcha mia!

Kahipipas, mahipipas!

Pia pia pia... doundou tchil....

Tout bas…

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Esprit rageur - Élémentaires, 2017, par Quentin Guichard

Toms Ostrovskis et Marie Elizabeth Seager ont trouvé de nombreuses correspondances entre les oeuvres de l'artiste plasticien Quentin Guichard, qu'ils admirent tous les deux, et Harawi. L'Étreinte, qui a servi comme illustration esthétique du récital, a été directement suggérée par l'artiste comme celle de ses oeuvres qui symbolisait le mieux Harawi de Messiaen.

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